Poussières …. Une collection de textes écrits par les participant.es lors des ateliers de l’Annexe

L’Annexe a le plaisir de vous présenter une petite collecte de textes écrits par les participant.es de l’atelier d’écriture du mardi lors du dernier atelier animé par Marion.

Marion a proposé aux participant.es d’écrire un texte à partir de la consigne suivante : « Imaginez une petite poussière qui parcoure toute la hauteur d’un immeuble ou d’un autre paysage. Que voit-elle ? Racontez.

Les textes sont signés, découvrez qui a écrit à chaque fin de chacun d’eux !

Texte 1

De cette aurore boréale exceptionnelle, s’échappa une étincelle verte.

Elle s’engouffra dans la haute cheminée de l’immeuble de seize étages. Empruntant les tuyaux de ventilation, elle descendit d’abord en crépitant puis un peu plus mollement le long de la gaine électrique de l’appartement de Monsieur Aziz. Monsieur Aziz était le doyen de cet immeuble. Ses voisins s’étaient rassemblés tout en bas sur le parterre le jour de ses 101 ans pour entonner un joyeux anniversaire quelques semaines auparavant. Il les avait salués comme un prince depuis son balcon. Mais le jour de l’aurore boréale, Monsieur Aziz s’était couché fatigué, lessivé, harassé. Le petit crépitement de l’étincelle verte avait fait un petit bruit qui l’avait sorti de sa torpeur. Monsieur Aziz ouvrit des yeux grands comme des soucoupes. Il se leva à grand peine, traîna ses vieilles babouches élimées jusqu’au petit crépitement qui le mena au salon et découvrit par la baie un ciel vert fluo avec quelques nuances de rose. Il n’avait jamais rien vu d’aussi beau. Il ouvrit la baie et appuya ses vieilles mains ridées sur le garde-fou. Ses yeux verts se mirent à pétiller très fort.

La petite étincelle verte avait poursuivi son chemin vertical, comme égarée, séparée, de ce ciel boréal. Elle s’immisça bientôt chez Madame Joséphine. Madame Joséphine, insomniaque, laissait toujours ses volets fermés. L’étincelle verte, en se glissant cette fois dans l’espace entre le mur et la tapisserie de sa chambre, se déplaçait en traçant un halo de couleur vert pâle. Madame Joséphine leva les yeux de son bouquin censé tromper l’ennui de ses nuits et se mit à fixer le dessin que traçait cette lumière verte diffuse à travers sa tapisserie.
Elle suivit du regard le chemin que prenait l’étincelle tamisée. Il lui sembla voir un cœur. Puis un deuxième. Et un troisième. Hypnotisée par cette magie, elle sentit ses yeux s’alourdir petit à petit et s’endormit bientôt paisiblement.

L’étincelle verte poursuivit sa route en filant au quatorzième étage, mais par les airs, cette fois. Elle entoura malicieusement ce jeune couple qui venait d’emménager et qui sirotait amoureusement une bière fraîche sur le balcon, leurs visages empourprés illuminés du vert tendre de cette aurore boréale qui arrivait à point nommé dans leur vie.

Du treizième au huitième étage, l’étincelle verte libérée dans les airs virevolta de droite à gauche, comme une feuille morte prise dans une bourrasque, remontant parfois très haut pour redescendre en tourbillonnant à folle vitesse. Il y avait du monde sur les balcons. Des voisins qui ne s’étaient jamais parlé auparavant s’exclamèrent en chœur devant pareil spectacle de la nature, se penchant vers les balcons mitoyens pour échanger quelques mots, quelques clopes, quelques rires.

Quant à l’étincelle verte qui tirait de plus en plus sur le rose, elle finit par entrer dans l’appartement du septième étage de la famille Laluz. Elle vint chatouiller le nez du petit dernier qui dormait les poings fermés. Le bébé se réveilla et attrapa avec sa petite main potelée l’étincelle comme s’il s’agissait d’un jeu d’éveil.

[texte inachevé… Je ne suis arrivée qu’au 7e étage ;)]

Annie

Texte 2

Elle posa sa main sur la table et fit s’envoler la graine de pissenlit qui s’y reposait. Le parachute étoilé rebondit trois fois sur les volutes ambrées de la mélodie dont le rythme emplissait tout le local.

Des corps dégingandés vibraient et leur chaleur moite fit virevolter la graine de plus belle. Sera-t-elle aspirée par toutes ces bouches pleines de lèvres souriantes qui entonnent les premières notes de ce gentil refrain ?

…Voyage Voyage.

Elle balance son chemin, la graine parapluie, à travers l’aération jusqu’à l’appartement voisin. De Desireless il ne reste ici que le battement sourd d’une basse électronique. Un vieillard presque muet pose sa main sur son plancher pour en ressentir les vibrations. Son ventilateur lui apporte la fraîcheur qui manque en cette douce nuit d’été et repousse notre étoile blanche par un noeud du plafond à l’étage du dessus.

Une patte griffue essaye de l’attraper. Pauvre chat qui s’amuse comme il peut en l’absence de ses maîtres. Ses moustaches devinent encore les dernières notes du tube qui viennent s’échouer sur son tapis.

La graine glisse sur la queue du félin et disparait par la fenêtre.

Elle s’en va retrouver les rives d’un autre fleuve indien.

/////

Pierre

Texte 3

Il fait noir mais ce n’est pas grave pour moi qui vit et explore surtout la nuit. Il fait noir mais les rires remplacent aujourd’hui les ronflements lancinants.

Ici c’est petit Louis qui s’enlace avec le grand René. Attiré tel un aimant je suis la chaîne des rires en prenant bien soin de de ne pas me faire remarquer. Louis et Marc qui d’habitude s’échangent des noms d’oiseaux sont passés au registre des peluches. Bertrand taille et sculpte des clés en bois avec son cutter. Visiblement, la chirurgie inesthétique à base de sourire augmenté, c’est bien fini.

Je continue mon expédition dans l’aile À et les scènes de liesse se répètent. Ça me ferait presque croire en la rédemption. L’aile B, c’est l’aile des durs, des coriaces. Pourtant Vincent le tatoué lit « un vilain petit canard » à un Roger les doigts de fée qui hésite entre les rires et les larmes. C’est fou, hier soir il fallait trois matons pour éviter qu’il s’entretient. Plus loin Bernard l’étrangleur raconte l’histoire du kangourou qui commande un whisky. Tous les autres sont morts de rire et applaudissent sauf moi bien sûr il est temps d’emprunter ce conduit de gaz qui a été fracturé et d’y retrouver les miens, les princes des égouts.

Joce

Texte 4

« Il était une fois, une poussière d’étoile qui rêvait de voyager. Profitant d’une course dans l’infini cosmique, elle décida de se détacher et, d’enfin, prendre son envol.
Cependant, lors de sa chute vers cette drôle de planète bleue, la petite poussière perdit son éclat étoilé et, la nuit tombée chez les humains, elle atterrit au bord de la fenêtre d’un grand, immense manoir.
L’atmosphère lugubre la fit frissonner, mais avant de pouvoir s’envoler à nouveau, une bourrasque la poussa à l’intérieur et fit claquer la fenêtre.
La petite poussière, maintenant sombre et terne, se mit à capter l’atmosphère lourde, chargée de reproches et de non-dits dans la grande maisonnée.

Alors, elle observa.

Dans la chambre où elle se trouvait gisait un bébé, pleurant sur le dos, sans personne pour s’occuper de lui. La poussière, attristée, vola vers lui et, alors qu’elle flottait devant ses yeux, elle se mit à scintiller. Le bébé, ravi, ouvrit grands ses yeux et laissa échapper un gazouillis en riant. La poussière retomba et profita d’un courant d’air pour dévaler les escaliers et visiter le manoir. Redevenue terne, elle était toutefois un peu moins sombre, comme si le rire du bébé l’avait quelque peu soignée. Ne voyant que des habitants froids lors de sa visite, elle retourna auprès du bambin chaleureux qui agitait ses bras.

Entre temps, une petite fille était entrée dans la chambre de son petit frère en sanglotant. Le voyant rire, elle s’empressa d’attraper le hochet sur lequel se situait la jeune poussière pour le faire jouer. La petite poussière s’accrocha, toute guillerette de voir le bébé rire et s’illumina à nouveau, rendant le sourire à la grande sœur. Le chien, intrigué, se rua dans la chambre et se mit à sauter en aboyant.
Alors, la petite fille prit le hochet, son petit frère et le chien, et dévala les escaliers. La petite poussière avait bien du mal à se tenir au hochet, mais au moins était-elle redevenue blanchâtre.
Les parents, en colère et tout à leur dispute, se tournèrent énervés par le raffut. Ils commencèrent à gronder leurs enfants de venir les déranger et de ne pas les laisser entre adultes.
La petite fille, intimidée, prit alors le hochet et commença à l’agiter devant son frère endormi.
Ne voyant aucune réaction, les parents commencèrent à s’impatienter. La petite fille, triste et désemparée, murmura alors :
« Brille, s’il te plaît… »

Durant quelques secondes, il ne se passa rien.

Puis, soudain, le bambin se mit à rire.
La poussière d’étoile brilla.
Alors, la fillette rit aux éclats et la petite poussière brilla encore plus fort.
Les parents, estomaqués, se tinrent la main, souriants. Enfin, ils se réconcilièrent après ces nombreux jours de dispute.
L’étoile, heureuse et comblée, se transforma en étoile et lévita jusqu’au plafond.

On raconte que, depuis ce jour, la joyeuse famille vit en harmonie et qu’une étoile bienveillante veille avec ses enfants sur sa lignée. »

Maëva

Texte 5

« Le dernier des hommes est mort »

Elle posa sa main sur le bureau.
Avait elle bien entendu ce que ses oreilles lui avaient soufflées ?
Parfois le corps se joue de nous et peut créer des mirages quand notre tête est truffée de nuages.
« Le dernier des hommes est mort »
« Le dernier des hommes est mort »
Son téléphone solaire le confirme et les voix en écho lui parviennent de partout.
« Le dernier des hommes est mort »
La tonalité festive de la musique ne trompe pas, la liesse des femmes non plus.
Sur ce gros navire, refuge de survivantes il avait été décidé collégialement que
si le monde était allé aussi vite à sa perte
si les eaux étaient montées si rapidement
si les terres s’étaient réduites à peau de chagrin en un battement de cil
si le monde entier avait du devenir aquavore…
Dans la longue liste des coupables, ils avaient tous un pénis.
Bolsonaro, Poutine, Trump, Bardella…
Alors, quitte à profiter des dernières années de notre vie comme des connes sur un bateau, autant que ce soit sans pénis pour nous con-descender ou nous con-mander
S’en était suivie une traque patiente et méthodique.
Chaque homme avait eu une douce mort à base de Desirlox3000.
D’ailleurs dans la cabine de droite, le corps du dernier des hommes était encore chaud.
Quand une utopie devient réalité, on se demande toujours si on n’est pas allé trop loin…
Mais cette fois, elle laisse sa raison prendre la mer et son cœur l’entraîner dans une folle liesse.
Elle laisse ses zygomatiques s’étirer.
Elle monte sur le rooftop, les filles dansent nues face aux embruns?
La chanson, devenue leur hymne à fond dans les haut-parleurs :
« No more men, no cry…. »
Elle dévale les escaliers, aperçoit en contrebas des femmes dans un bain de minuit géant.
Il parait que le bateau est amarré au dessus de l’ex place Rouge.
S’y promener nue sans risquer les kalachnikov, quel doux délice.
Quelques marches plus bas, dans les cuisines la cheffe fait pêter une sushi-party de folie.
On se re-rationnera plus tard.
Sur les coursives des graffs peace & love & love jonchent le sol.
Pour la partie peace ok, pour la partie love…ce sera plus difficult. on s’arrangera.
En attendant, profitons de l’instant.
Sécher sur les panneaux solaires c’est habituellement interdit mais là je m’autorise…

Manon

Texte 6

Elle posa sa main sur la table, je me suis posé tel une araignée sur un son beau manteau de velours. J’ai observé cette jeune femme depuis qu’elle est rentrée dans ce magasin, il y a cinq minutes, elle était seulement venue faire des courses, elle ne s’attendait pas à se retrouver au milieu de fans venus faire des dédicaces de livres. Je vis son sourire s’élargir lorsqu’elle s’approchait des auteurs de livres auprès de cette table bien remplie. Je crois être tombé sur la femme la plus heureuse du monde.

Mais un coup de vent me fit m’envoler et cette femme je la quittais, les petites brises me firent léviter et dans un autre étage du magasin, je vis un enfant et sa mère qui pleuraient à chaudes larmes. Quel malheur a bien pu s’abattre ? Je vis d’autres humains accourir et hurler de douleur, les entourant. Un grand homme avec un chapeau prit l’enfant dans ses bras et s’enfuit en courant toujours en hurlant, suivit par d’autres personnes qui dorénavant se hurlaient dessus en se jetant des pierres.

J’entendis aux loin une personne dire que les pierres jetées aux visages faisaient du bien pour être heureux. Quel étrange tableau.

J’espérais vite redescendre d’un étage voir des gens heureux, mais je tombais sur un homme qui dormait à côté d’une poubelle une photo de tartinade de thon posé à côté de lui.

Leyla

 

Texte 7

Sur cette petite île, on ne voyait que lui; il se dressait : noble, hautain, luttant contre vents et marées; ça , on peut le dire . Je le trouve très courageux . Son nom est « La Torche », le phare de l’île du Rempart. J’en parle mais je ne le connais pas bien; c’est le gardien qui me l’a dit. Je ne suis jamais sortie, je passe du temps, je passe mon temps, soit accrochée aux coffres des demi étages, soit sur les petites niches dans les murs, soit entre les pierres de l’escalier. Parfois le gardien tente de nous faire sortir avec son plumeau de toutes les couleurs mais comme il est exténué et vieux maintenant, il n’a plus beaucoup d’énergie .Il est de plus en plus lent à monter jusque là haut. J’ai noté toutefois qu’il restait plus longtemps là haut, même quand il fait froid , même en pleine tempête.

Un jour, plusieurs pas ont résonné dans l’escalier ; toutes les portes ont été ouvertes. Il y a eu un grand bazar. Ils ont crée des courants d’air. J’ai eu très peur de partir avant de savoir ce qui allait se passer. Puis tout est redevenu calme, une seule personne est restée, moi, je n’ai plus revu le plumeau avec les belles couleurs mais j’ai été secouée à plusieurs reprises.

J’ai su finalement ce qui allait bientôt arriver. Le gardien de phare partait à la retraite et le phare arrêtait son activité; ils n’avaient plus besoin de l’humain. J’ai eu tout d’abord du chagrin de ne plus entendre le gardien; Puis une idée me vint , un rêve que je  n’avais pas réalisé , c’était sans doute l’occasion  : celle de voir enfin le phare, moi qui ne voyait que les escaliers, les murs, les matériels.

Oui, voir ce grand personnage et voir la mer pour la première fois .

Qu’elle allait être ma vie après ? Je ne sais pas mais j’étais prête pour une nouvelle vie !

M.A.D.

Texte 8

J’suis qu’un grain de poussière

Un grain de poussière

Qui erre à la lisière

De l’enfer et du ciel

Un ange gardien du néant

Un grain de poussière

Infiniment petit ou grand

Jacques Higelin

Je suis la dernière poussière qui retombe après l’explosion.

Vous êtes ceux qui y survivront.

Son corps, à lui, avait habité tous les orages, tous les ravages, toutes les machines de destruction.

Il avait volé tout ce qui vous appartenait. Le rire, l’amitié, la fraternité, la solidarité, le jeu et la créativité.

Tout ce qui vous tenait debout, il l’avait avalé.

Puis devant vous, dénudés, déshérités, désemparés, il avait gonflé de toutes ces nourritures qu’il vous avait enlevées.

Et il avait gonflé, gonflé, gonflé. Ça avait duré des semaines, des mois, des années.

Jusqu’à aujourd’hui.

Il vient d’exploser.

Cette dissolution atmosphérique a créé le plus doux des bruits qu’il n’ait jamais été entendu ici, et même ailleurs.

Ce bruit a caressé vos oreilles jusqu’à ce que les larmes qui ne vous habitaient plus se régénèrent et trouvent par vos yeux les rebords d’une grande cascade qui vous a redressés, relevés, réajustés, réarticulés. Jusqu’à ce que vous puissiez enfin danser dans cette eau, les jambes à demi-immergées, à les élancer pour vous éclabousser de plaisir.

Et moi, la petite poussière, la toute dernière trace de cette explosion, le dernier stigmate de votre oppression, je suis monté, monté, monté, j’ai cru atteindre le firmament.

Je vous ai vu, petits points multicolores, vous agiter, redonner vie à ce paysage désolé.

Et peu à peu, je suis retombé.

Je suis devenu de la neige. Douce. Tendre.

Je me suis éparpillé sur le sol mouillé.

Je suis devenu neige de graines à planter.

Chaque graine contenant sa part de soleil, sa part d’ombre, sa part de mystère et sa part de saveur à offrir.

Chaque petite graine qui offrira à toustes de quoi donner aux autres ce qui vous nourrira de moi.

Gwenaël

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